
Que sommes-nous ? Commençons par l’aspect le plus concret, l’aspect physique. Notre perception quotidienne de ce que nous sommes est principalement liée à notre culture et à nos croyances. Ainsi l’approche scientifique matérialiste peut paraitre très différente de la vision traditionnelle orientale plus spirituelle. Mais l’est-elle vraiment ?
Les anciennes traditions considèrent généralement la réalité de façon holistique, globale, toutes les dimensions de l’humain étant parfaitement intégrées à l’univers:
Selon l’Ayurveda
L’univers est une manifestation des cinq éléments (terre, eau, feu, air et éther ou espace) que l’on retrouve à tous les niveaux du corps humain, de la vie, dans le mental, dans la matière inanimée. La terre et l’eau représentent la matière tangible. Tandis que les autres éléments correspondent à des aspects plus subtils: besoins, sensations, actions, émotions… Dans le corps humain, l’élément terre est représenté par les os, muscles, peau, cartilages, tendons, cheveux, ongles, dents…tandis que l’élément eau correspond aux fluides du corps : salive, urine, sang, transpiration, sucs digestifs, liquide cellulaire, fluides reproducteurs, plasma, mucus. Donc la forme de l’élément terre correspond à l’aspect solide, stable, structuré, formel, en cohésion, alors que la forme de l’élément eau représente l’aspect liquide, visible mais sans forme qui peut se répandre et circuler.
Selon les Vedas, anciens textes sacrés
La réalité est constituée de différentes composantes ou « couches » (Koshas) plus ou moins « subtiles » qui correspondent dans notre corps aux niveaux physique, énergétique, mental et émotionnel, intellect et félicité. Ces couches sont à la fois dépendantes et interactives. Et elles sont illusion. Selon cette vision, le corps physique est l’enveloppe la plus dense et correspond aux éléments chimiques, aux atomes et molécules provenant de la nourriture que nous ingérons. Ce corps est inéluctablement lié aux autres couches plus subtiles.
Pour le Bouddhisme
La réalité est ce que nous percevons par nos cinq sens et le mental. La réalité est représentée sous forme de cinq agrégats (matière, sensation, perception, volition, conscience) qui sont indissociables. Ils sont caractéristiques de toute expérience que nous faisons. Ils jaillissent et disparaissent sans cesse. Ils sont la cause de notre souffrance mais peuvent être arrêtés. La matière est donc intimement liée à l’expérience personnelle que nous en faisons.
Selon la perspective de la science classique
La réalité est ce qui est observable, mesurable et analysable objectivement. Les scientifiques décomposent généralement la forme macroscopique en éléments de plus en plus petits dans un but de simplification, pour découvrir la partie ultime porteuse de la vérité. Chaque composante est alors étudiée sous un aspect spécifique, de façon indépendante, séparée de l’aspect global.
Ainsi selon l’approche rationnelle scientifique, le corps humain est décomposé en différentes parties : des organes, au niveau macroscopique (cœur, cerveau, os, organes des sens,…) aux atomes, au niveau microscopique, en passant par les cellules humaines, les bactéries, microbes etc (notre corps est composé de 10 à 100 fois plus de bactéries que de cellules humaines, dont l’importance est encore mal connue).
Pourtant lorsque la science élargit son champ d’études, on peut observer qu’à tous les niveaux d’organisation de la vie, les éléments (individus, organes, cellules) partagent plusieurs importantes caractéristiques, sorte d’« intelligence » commune: l’organisation, la spécialisation, la communication avec le milieu extérieur (chimique, électrique ou vibratoire), la respiration, l’alimentation, la digestion, l’élimination, la reproduction, les fonctions de protection/survie, l’adaptation, la régénération/auto-guérison, la transformation de l’énergie, la mort (cycle de vie éphémère).
– Toutes les cellules sont issues des mêmes cellules souches et gardent les mêmes propriétés, même si, en se spécialisant, elles développent une fonction spécifique (comme une personne se consacre à un métier). Et on peut voir des cellules se reconvertir comme les humains ! Donc l’information fondamentale contenue dans la cellule est toujours présente.
– Les cellules sont elles-mêmes constituées de molécules qui sont des chaines d’atomes. C’est au niveau des molécules que la vie serait apparue grâce à l’apparition d’une certaine dissymétrie. Les cellules sont capables de stocker des informations (dans l’ADN, dont l’expression est contrôlée par l’environnement et même par le mental) et d’évoluer grâce aux mutations et à la coopération.
– Toute la matière vivante ou « inerte » est constituée d’atomes. Les plus petits atomes (Hydrogène, Hélium) sur Terre et dans l’univers proviennent du Big Bang (la naissance de l’univers), les atomes plus gros sont nés dans les étoiles un peu plus tard. Les atomes ne peuvent pas disparaître, ils se transforment seulement. Donc les atomes qui nous entourent et nous constituent sont les mêmes aujourd’hui qu’il y a plusieurs milliards d’années !
– Tous les atomes qui composent la matière sont constitués de particules, certaines sont massives, d’autres énergétiques n’ont aucune masse. Les scientifiques ont découvert que toutes les particules de notre réalité (matière, lumière et autres rayonnements) obéissent à des lois bizarres, contre-intuitives : celles de la physique quantique. Ainsi ils ont montré que des particules peuvent se trouver à plusieurs endroits en même temps, elles se comportent à la fois comme des corpuscules matériels et des ondes immatérielles, des particules séparées spatialement restent interconnectées, elles peuvent passer à travers un mur supposé infranchissable…
Le monde quantique probabiliste est un monde étrange, au delà de l’espace et du temps.
Un grand mystère plane aussi sur la matière noire inconnue, théoriquement cinq fois plus abondante que la matière que l’on peut observer, cette matière qui pourrait émerger d’une mer d’énergie invisible…
Finalement, notre perception de la matière et de notre corps physique dépend essentiellement des instruments d’observation : organes des sens ou instruments de mesure, esprit, conscience, ainsi que de l’expérience que l’on en fait. En effet, nos perceptions sont subjectives, limitées, affectés par notre vécu, nos croyances, nos interprétations etc. Donc ces deux approches, scientifique et traditionnelle, ne sont pas contradictoires mais au contraire convergent vers une même vision, à savoir que ce que l’on considère comme la réalité matérielle, physique, palpable est un concept mental indissociable d’autres dimensions que nous aborderons dans de futurs articles. Alors la prochaine fois que vous faites une grimace en étirant vos muscles en yoga, pensez que finalement votre corps physique n’est peut-être pas aussi matériel que vous le croyez !
Références : Biologie des Croyances de Bruce H. Lipton,
Patience dans l’azur de Hubert Reeves,
Le pouvoir anticancer des émotions de Dr Boukaram
Publié dans la Revue Virtuelle de la Fédération Francophone de Yoga n 14
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