
GÉNÉRALITÉS
Abordons LA grande question toujours controversée dans tous les milieux intéressés par la posture (médical, paramédical, yoga…): quelle est la bonne position du bassin? Y a-t-il une position idéale? Les dessins des planches d’anatomie et les recommandations des médecins varient selon les pays et les époques. Il y a quelques dizaines d’années, des médecins recommandaient d’aplatir la courbure lombaire (avec un corset) aux personnes qui souffraient de scoliose ou de maux de dos, ce qui n’est plus le cas maintenant. Il n’y a toujours pas de consensus clairement établi. De nombreuses méthodes prétendent connaitre la réponse, chacune étant certaine de ses propres conclusions…
EXPÉRIENCE PERSONNELLE
Lorsque j’ai commencé à pratiquer le yoga, ma flexibilité était très limitée, ce que la pratique assidue de vélo, puis de course, ainsi que les longues heures en posture assise devant un ordinateur n’ont pas aidé à améliorer. Je pouvais difficilement me pencher en avant. Puis les cours de yoga m’ont aidée à étirer peu à peu les muscles ischio-jambiers de façon saine, le dos au sol. Mais il y avait une posture de yoga très populaire que je trouvais particulièrement difficile et que j’ai longtemps redouté: Uttanasana (qui porte un nom très évocateur: étirement intense), ou posture de la pince debout. Étirement intense du dos ou des ischio-jambiers? Au début de ma pratique, je sentais surtout une contraction intense de mes quadriceps et des douleurs dans le dos! Pour moi, cette posture était un défi physique mais aussi mental: pourquoi se forcer à arrondir davantage le haut du dos en portant la tête vers les jambes, alors que la grande majorité des gens (dont je fais partie) présentent déjà une cyphose dorsale marquée?
Heureusement, l’approche de l’aplomb m’a fait découvrir une toute autre façon de comprendre (dans cet article) et retrouver la bonne posture (voir le prochain article).
CONTEXTE
Après avoir pratiqué le yoga de nombreuses années avec le très renommé maitre de yoga B. K. S. Iyengar, Noëlle Perez a étudié la posture de personnes qui n’ont pas jamais mal au dos malgré les charges qu’elles portent ou les difficiles travaux physiques effectués. Elle a réalisé des études très poussées pendant des décennies, à travers le monde, les diverses sociétés (ethnies traditionnelles, sociétés modernes), en collaborant avec un célèbre anatomiste, le professeur Delmas. Et elle a finalement soutenu une thèse de doctorat d’éthnophysiologie en 2008 sur la manière de porter, se comporter… sans dommage.
Qu’a-t-elle découvert de fondamental dans ses observations et analyses minutieuses, photos, films et radiographies à l’appui? Et bien que le point commun essentiel est une profonde antéversion du bassin, la lordose lombaire se situant très bas (L4-L5-S1).
BASES D’ANATOMIE
On considère trois types d’articulations au niveau du bassin: la symphyse pubienne qui relie les hanches, l’articulation sacro-iliaque (2) qui relie la colonne vertébrale au bassin et l’articulation coxo-fémorale (2) qui relie le bassin et les jambes (Figure 1). Cette dernière articulation est la plus mobile et la plus utilisée.La position et le mouvement de bascule du bassin vers l’avant ou l’arrière sont régis par les articulations coxo-fémorales, c’est la rotation des hanches sur les têtes fémorales.
Ceci est donc à différencier:
– des actions de flexion et extension des hanches qui nécessitent de nombreux muscles supplémentaires: cuisses, fessiers, ischiojambiers… (Figures 2 et 3)..
– de l’antéversion fémorale qui est en fait une rotation interne du fémur
Muscles nécessaires au mouvement d’antériorité/postériorité du pelvis (source: Trail Guide to the Body, Andrew Biel):
– Le mouvement d’antéversion (rotation du pelvis vers le bas) ne fait intervenir que très peu de muscles: seulement les psoas majeurs et iliaques, pouvant être assisté du muscle grand dorsal. En fait, ce serait d’ailleurs seulement les fibres superficielles des psoas qui augmentent la lordose, tandis que les fibres profondes la diminueraient. Le psoas mineur, lorsqu’il est présent, agit de façon opposée au psoas majeur.
– Le mouvement inverse de rétroversion (rotation du pelvis vers le haut provoquant un arrondissement du bas du dos) est lié à l’activation ou la présence de tensions latentes du muscle grand droit abdominal et/ou des muscles ischio-jambiers à l’arrière des cuisses.
Remarques:
– Le fait qu’il n’y a pas de muscles clairement définis créant l’antéversion pourrait amener à penser que c’est une position naturelle et détendue du pelvis. Les muscles servent principalement à la stabilisation du bassin.
– Il est essentiel de détendre tous les muscles des hanches (en particulier les iliopsoas, ischio-jambiers et grands droits abdominaux) pour laisser le bassin se placer dans une position détendue et éviter tensions et compensations.
– Les tensions souvent observées chez de nombreuses personnes dans les ischio-jambiers et parfois les grands droits abdominaux (liées à une mauvaise posture assise ou une sur-utilisation de ces muscles lors d’une pratique sportive) créent une rétroversion du bassin généralement inconsciente mais très courante.
– Les muscles fessiers et les adducteurs des hanches interviennent lors de l’extension et la flexion des hanches (articulation coxo-fémorale). S’ils sont trop tendus, ils peuvent aussi interférer avec la mobilité du pelvis.
– Au niveau squelettique, une profonde antéversion du bassin (pelvis orienté vers le sol) permet un meilleur alignement de toute la structure osseuse (la dernière vertèbre lombaire S5 au dessus de la symphyse pubienne) donc un meilleur support du poids du corps (les organes abdominaux reposent au dessus d’une structure osseuse plutôt qu’un ensemble de muscles souples déformables (plancher pelvien). Figure 4 versus Figure 5.
– Concernant l’articulation coxo-fémorale, il est souvent observé en position debout, que la tête fémorale est mal recouverte par le cotyle (ou acetabulum). La coïncidence des surfaces est maximale lorsque la hanche est fléchie à 90° ce qui est considéré comme un vestige de la position quadrupède…. Mais si le bassin est placé en antéversion, le cotyle recouvre alors beaucoup mieux la tête fémorale!
BÉNÉFICES DE L’ANTÉVERSION:
Cette position du bassin entraine l’allongement de la chaine musculaire à l’arrière des jambes (ischio-jambiers) ainsi qu’à l’avant du buste (muscles abdominaux grands droits). Cela va procurer de nombreux bienfaits, en particulier aux organes abdominaux (système digestif, urinaire…):
– Meilleur soutien des différents organes
– Pression plus légère sur le plancher pelvien (diminue les pertes urinaires…)
– Aide à soulager les problèmes de sciatique
– Plus d’énergie (observé par les coureurs quand le bassin est stable)
– Les disques intervertébraux subissent une pression normale, équilibrée, ce qui peut soulager hernies discales et éviter lombalgies (souvent dues à la rétroversion du bassin).
Le relâchement des psoas permet de soulager les problèmes de ballonnements intestinaux, constipation, drainage lymphatique, maux de dos, sciatique, rotation du fémur…
SYMBOLIQUE
Des problèmes au niveau des hanches (articulation coxo-fémorale) peuvent être liés à l’avancement dans la vie trop ou pas assez rapide, les problèmes peuvent exprimer un manque d’assurance, de stabilité, de confiance en soi pour satisfaire ses besoins personnels.
Mythes et idées préconçues concernant l’antéversion du bassin:
– Cela va créer une lombalgie (douleurs dans le bas du dos) et à plus long terme une hernie discale. Non, ces problèmes sont dus principalement au vieillissement (usure, fissuration) des vertèbres, à la sédentarité, au surpoids, aux efforts de soulèvement et mouvements répétés avec une posture inadaptée. L’essentiel est toujours d’allonger le plus possible la colonne vers le haut: cela crée de l’espace entre les vertèbres et bénéficie aux disques intervertébraux.
– Ça vient bloquer les genoux en arrière. Non, l’hyper-extension des genoux est due à l’hyper-laxité de l’articulation. Il faut tonifier les muscles des cuisses et garder les genoux toujours légèrement pliés, souples.
– Cela fait sortir le ventre en avant. Non, c’est le manque de tonicité des abdominaux qui cause ce relâchement (et l’affaissement du thorax vers l’avant). L’antéversion allonge la distance entre le pelvis et la cage thoracique. Alors garder simultanément la cage thoracique haute permet d’allonger les grands droits abdominaux ce qui, au contraire, fait « rentrer le ventre » et améliore l’esthétique de la posture.
– Les muscles lombaires sont suractivés. Non, il faut au contraire détendre ces muscles pour relâcher le bassin et mieux allonger la colonne vertébrale vers le haut.
– L’articulation sacro-iliaque va s’user plus rapidement. Non, on cherche toujours à décompresser cette zone, à relâcher les muscles de façon à ce qu’apparaisse un équilibre, une saine stabilité favorable à l’articulation.
Oui, cette approche peut être confrontante pour beaucoup de personnes. Elle nécessite une grande ouverture d’esprit, la capacité de se remettre en question, car d’autres personnes ont d’autres avis…. L’essentiel est de l’essayer (tout en étant bien guidé), d’en faire l’expérience réellement, pleinement, dans son corps. Pour moi, c’est la meilleure et la seule validation possible. Et c’est parce que j’en ai ressenti les immenses bienfaits que je suis si motivée à la partager!
N’hésitez pas à me contactez pour toute question ou commentaire.
Publié dans la Revue numérique de Yoga Partout no 108.4